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"Avoir peur du noir à 45 ans, c'est complètement débile!"

Ces derniers temps j’ai été surprise d’entendre certains patients considérer avec mépris et dépit leurs perturbations émotionnelles :

« Manger sans faim, juste pour éviter que mon ventre ne gargouille, c’est n’importe quoi.»

« Me sentir mal lorsque je dois patienter dans ma voiture au feu rouge, c'est vraiment débile. »

« Détester que l’on me fasse une surprise pour mon anniversaire et avoir juste envie d'aller bouder dans ma chambre, c'est nul et irrespectueux.»

Cette réaction me fait penser au « flic dans la tête » d'Augusto Boal, créateur du théâtre de l’opprimé, une pratique interactive du théâtre qui place le public en "spect-acteur".

Cette approche, développée en Amérique latine dans les années 70 visait à sensibiliser les peuples subissant une dictature militaire pour faciliter une prise conscience de leur condition d’oppression. Le public amené à prendre la place des acteurs pouvait ainsi percevoir la différence entre les émotions déclenchées par le rôle joué et celles qu'ils ressentaient lorsqu'ils n'étaient pas en prise avec la situation.

Lorsqu'il est venu en Europe, Augusto Boal a découvert que même dans les pays démocratiques, les personnes pouvaient se placer en position d’opprimée, contraintes à se soumettre à leurs propres injonctions psychiques. Il avait appelé ce processus d’intériorisation de l’oppression « le flic dans la tête ».

Il me semble que c’est ce flic dans notre tête qui entre en jeu lorsque nous méprisons, dénigrons, nions nos peurs inconscientes. Comme l’explique Luc Nicon, « nous sommes si habitués à la plupart de nos réactions que nous les vivons comme notre état normal ou comme étant partie intégrante de notre personnalité [1] ». Nous préférons nous juger lâche, bête, psychorigide plutôt que d’envisager l’idée qu’une mémoire sensorielle nous empêche de raisonner.

Le chaman Miguel Ruiz [2] nous enseigne la règle « que ta parole soit impeccable » et cela commence par notre discours intérieur. Nous n’avons pas à avoir honte de nos perturbations Je crois même que nous pouvons ressentir de la fierté à avoir réussi à vivre « normalement» malgré ces sensations si désagréables.

Je félicite cet homme qui s’est couché tous les soirs avec cette peur au ventre depuis 45 ans, cette jeune femme qui subit ses compulsions alimentaires afin d’éviter les gargouillis, celle qui se rend au travail tous les jours en ressentant un mal de crâne et une nausée lancinante et cette autre qui subit bravement cette soirée d’anniversaire avec le cœur serré et l’envie de pleurer.

Les tipis validés ne vont pas changer leur personnalité mais juste leur permettre de se libérer de l’oppression du flic dans leur tête en vivant plus tranquillement les émotions que la vie leur propose.

___________________________

[1] Luc NICON ; Revivre Sensoriellement - Editions Emotions fortes, 2014 (p.32)

[2] Miguel RUIZ ; Les Quatre Accords toltèques, la voie de la liberté personnelle - Jouvence “Poches”, 2005

Tag(s) : #Tipi
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